D’ici quelques jours, nous partons pour un long week-end à Lisbonne. Besoin de quitter la grisaille parisienne, de revoir le soleil et de prendre l’apéro ailleurs que sur notre balcon.
CLAIRE
J-10 : J’ai tellement hâte. J’ai acheté deux guides à la Fnac pour ne rien rater de la ville blanche. Lors de mon passage en caisse, je n’ai pu m’empêcher de dire à la caissière « c’est pour fêter cinq merveilleuses années d’amour, je suis tellement pressée ». Et je me perdais immédiatement dans les méandres de mon imagination. Mais à la Fnac on n’a pas le temps de rêver, on doit simplement payer. Le rêve vient après. Et je l’ai bien compris quand Laura – l’hôtesse de caisse – a répondu « mouais. 29,98 s’il vous plaît ».
J’appelle ensuite la voisine afin de savoir si elle peut prendre soin de Victor pendant quelques jours.
J-5 : J’ai préparé trois circuits différents, géolocalisé notre hôtel, réservé un scooter, me suis renseignée sur les meilleurs restaurants des environs et déjà noté les bars où l’apéro peut être sympa. J’ai aussi créé une alerte météo, et une alerte sur notre vol. Je suis AU TAQUET !
J-2 : Je sors ma valise. C’est l’instant le plus excitant de la semaine. Ce moment où vous avez envie de chanter tant vous avez hâte de quitter votre quotidien. Victor s’agite autour de la valise et me fait ses yeux tristes. Oh mon bébé d’amour, qu’il est mignooooon !
19H30 : Paul fait une moue pour le moins étrange en apercevant les valises. Je suis presque sûre qu’il a oublié où nous allons ce week-end. Le sale con.
BINGO. Entre sa deuxième et sa troisième bière, il ose me demander : « on va encore chez ta mère ce week-end? ». Je me retiens de lui planter mon cure-dents dans l’oeil. Dois-je l’insulter pour cet emploi adverbial particulièrement insultant ? Et en rajouter une couche car il a tout simplement oublié Lisbonne ? Le cadeau que je lui ai offert pour nos 5 ans. Je vais emmener ma mère et l’abandonner ici, dans notre T2. Et je ferai en sorte de laisser un frigo vide. Je pourrais aussi le pousser dans les escaliers.
Je le tuerai plus tard. Là, je me contente de lui lancer le Lonely Planet au visage après lui avoir hurlé dessus.
Je m’isole dans la chambre pour préparer les valises, Rihanna à fond les ballons (première étape de la vengeance : choisir LA chanteuse qu’il hait, et mettre le son tellement fort que sa foutue télé en devient inaudible).
Check météo. Du soleil, 24 degrés. OUAISSSSSS. À moi les petites robes, les gambettes au soleil et les solaires constamment sur la tête.
19H45 : Je vide le dressing sur le lit. Je dois montrer à doudou la chance qu’il a d’avoir une bombe dans sa vie. 4 jours avec Heidi Klum.
Je passe par la cuisine pour attraper un verre de vin (laissant la porte ouverte pour qu’il puisse entendre Rihanna hurler « Rum bum bum bum, rum bum bum bum, rum bum but but »). Il essaie de me sourire. ERREUR. Je lui lance un regard noir, digne de Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada, et claque la porte de la chambre. Il faut le faire culpabiliser.
20H : Douze robes sont sur le lit, dissimulant quatre jupes et trois pantalons. Les tops, les chemisiers et les vestes sont encore sur leurs cintres tandis que je lance une quinzaine de paires de chaussures aux quatre coins de la chambre. Les sous-vêtements sexy sont soigneusement posés sur le lit. Un dilemme cornélien m’habite. Je ne peux quand même pas prendre un bagage en soute pour quatre jours sachant qu’il y a cinq ans, je me suis vendue à Paul telle une « femme nature, passionnée par la randonnée ». Avouons, c’est ce que nous disons toutes afin de les charmer et après, nous révélons notre vrai visage. Et notre monstrueux dressing.
20H30 : Tenues ok. Du sexy et confortable – Heidi Klum au quotidien – mais également plein de on-ne-sait-jamais.
20H45 : Chaussures ok. Trousse(s) de toilette ok. Trousse de secours ok. Papiers ok. Billets ok. CB en cas de perte ok. Chargeurs ok. iPod mis à jour. Il va maintenant falloir TOUT faire rentrer dans cette minuscule valise. J’y crois pendant un instant. Vous savez, c’est comme la grande optimiste que vous croisez chez Zara essayant un 36 alors qu’elle sait pertinemment – et tout le monde autour d’elle le voit – qu’elle fait un 42 et que jamais elle ne rentrera dans cette robe.
Bon ok, nous avons toutes déjà essayé. Nous aimons nous lancer des défis, croire que nous sommes aptes à perdre instantanément deux voire trois tailles car nous voulons absolument rentrer dans cette robe en 36 parce que la taille 40 est épuisée.
20H55 : Je me suis battue, j’ai lutté, l’ai plaquée au sol, me suis allongée dessus mais rien à faire. Ma valise ne ferme pas. Je suis FOUTUE.
Faire du tri dans ma valise déjà si petite ? Ravaler ma fierté pour supplier doudou de me laisser un peu de place dans sa valise ?
J’opte pour la seconde solution. Mais pas ce soir. Ce soir, je boude.
PAUL
J-6 : Claire n’est que bonne humeur et sourires depuis quelques jours, même le matin. Normalement, ce genre de situation est visible pour les mortels uniquement lorsqu’elle attend un colis de Vente-privée. Ou alors peut-être que nos dernières nuits torrides l’ont rendue particulièrement heureuse ? Je n’en sais strictement rien, je vais devoir une fois encore attendre ses multiples signaux, jusqu’à en comprendre un. Pourquoi les femmes ne s’expriment-elles pas simplement ?
J-3 : Sa valise est sortie. Je suis clairement dans la merde. On retourne peut-être chez sa mère. Sa mère, c’est un peu comme sa meilleure copine. Elles s’appellent tous les soirs alors qu’elles ont échangé par mail toute la journée. Mais ce n’est pas assez. Ce n’est jamais assez. Nous sommes régulièrement – tous les quinze jours – conviés à un « week-end à la campagne » pour nous détendre et – je cite la belle-mère – « oublier le tumulte de la vie parisienne ».
Tel un chiot qui sait qu’il a fait une bêtise, je m’approche et demande à Claire si nous allons chez sa mère ces prochains jours.
Et là, la métamorphose. Une furie aux cheveux dressés sur la tête. Elle hurle. Je vais prendre cher.
19H30 : Signal reçu ! Et elle vise sacrément bien ! J’ignorais qu’un si petit guide pouvait faire autant de mal.
21H : Je pense que je vais faire face à un mur froid ce soir. Et que je vais devoir cuisiner pour qu’elle refuse ensuite de se joindre à moi. Elle est vexée. J’ai merdé.
J-1 : Minou m’adresse la parole ! Ouf ! Elle a plus rapidement enterré la hache de guerre que les fois précédentes. Je me rattraperai à Lisbonne (maintenant que je sais que nous n’allons pas chez sa mère). Je l’aime, mais je suis nul. Je ne trouve jamais les bons mots, j’oublie, je ne l’écoute parfois que d’une oreille. Et je suis inapte à gérer un calendrier. Mais je l’aime.
Elle me sert un verre et s’approche. Elle minaude. Elle va me demander quelque chose, je le sens. D’une voix suave, me caressant les cheveux, elle murmure « as-tu encore de la place dans ta valise doudou ? j’ai peur que deux, trois babioles ne rentrent pas dans la mienne… ». Et elle m’embrasse.
Vraiment douée la petite. Je sais que je suis sur la sellette, et elle en a conscience. Je ne peux donc pas refuser. Et je ne peux pas lui dire que je n’ai pas encore commencé ma valise.
J’obtempère avec mon plus beau sourire, l’embrassant avec passion. Je crois que j’ai envie d’un moment torride…
Mais c’était sans compter sur la tornade Claire qui, en seulement quelques secondes, était revenue de la chambre avec une pile de vêtements, deux trousses de toilette et une paire de baskets. De quoi remplir ma valise.
Je garde mon calme, je sens que c’est un test.
21H : Un chino, un short, une paire de baskets et quelques tee-shirts feront l’affaire. Quatre caleçons et ma brosse à dents complètent mon bagage. Je n’avais de toute manière pas davantage de place.
L’amour prend beaucoup de place.
Mais l’amour, c’est quand même sacrément cool.
Génial !!! C’est tout à fait ça, on s’y retrouve complètement ! Haha, les hommes et les femmes, on vient vraiment de 2 planètes différentes !!!
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Merci pour le commentaire, qui me motive à continuer et à m’amuser de ces différences entre hommes et femmes ! 🙂
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